Le lac blanc

mongolie79

Le grand lac blanc a perdu son manteau de neige. Le volcan, noir de roches, semble bien modeste en compagnie de tels géants : des montagnes vertes d’Irlande, tirées de contes celtiques pour grands enfants rêveurs.
Le vent du Terkhin Tsagaan Nuur apporte avec lui des odeurs de sable fin mais aussi des nuées d’insectes. C’est à peine si je peux respirer, entouré de ce nuage grouillant et bourdonnant de milliers d’ailes transparentes.

Les aigles plient bagages, les marmottes se terrent, les moustiques abandonnent leur danse : l’orage arrive. Le bleu devient gris. Le vent redouble ses efforts pour me chasser de là. En vain. Je suis bien décidé à camper dans l’immense parc national pour plusieurs jours.

Si le lac est nettement plus petit que le Baikal, chaque sommet qui l’entoure atteint aisément les 3000m d’altitude – autre forme de démesure.

Des pécheurs s’affairent et jettent leurs lignes au loin. Les oiseaux et les palmipèdes nous interprètent une adaptation mongole du peuple migrateur. Le coucher de soleil teinte les nuages d’orange, de violet et de jaune. Le cadre est trop idyllique pour ne pas être ému.

Je pars escalader l’un des sommets. En haut, c’est simplement magnifique. Tout juste à couper le souffle. La vallée en contrebas étale ses plages et ses rivières. Des troupeaux de moutons font figure de fourmilières et notre campement n’est qu’un point lumineux dans des pâturages éblouissants.

David me dirige vers un lieu tout à fait étonnant qu’il vient de découvrir. Il s’agit d’un cimetière. Toutes les tombes sont matérialisées par une stèle pointée vers les cieux et orientée vers le lac ; mais ce qu’il y a de plus troublant, c’est la présence de dizaines de crânes humains, à même le sol, comme autant de pierres blanches visant à indiquer l’endroit. Peut-être un rapport avec une superstition ou les esprits, je n’en ai pas la moindre idée. Néanmoins, le lieu est fascinant. Il y règne une atmosphère étrange. Ici, en plein coeur du parc national.

Un ranger arrive sur sa moto. Il me montre sa carte : il est inspecteur. Très bien, je suis heureux pour lui. L’homme repart aussitôt. Courte parenthèse qui, comme beaucoup d’autres, n’a pas le moindre sens.

Bonne surprise, nous retrouvons Dorothée et Junya que nous avions quittés quelques jours plus tôt sur la capitale. Ils font un tour dans le centre ouest du pays avant de s’envoler pour Istambul. Ça nous donne l’occasion de passer une nouvelle soirée ensemble, ainsi qu’une bonne baignade rafraîchissante dans le Terkhin Tsagaan Nuur.

En nous laissant le lendemain, ils prennent soin de nous confier Bingo, leur chienne errante pour qu’elle nous tienne compagnie. En effet, elle ne nous lâche pas. Sur des kilomètres, elle nous suit ou nous précède sur le chemin ou sur le sable. La nuit elle dort avec nous. Elle partage nos repas – aussi maigres soient-ils – et vient avec nous dans l’eau quand arrive l’heure de la douche. Elle nous prévient même quand des gens approchent de trop près de notre campement.

Amie fidèle et chienne de garde, je sais que la séparation sera difficile. Parfois, les animaux provoquent des pincements au coeur plus forts que les êtres humains.

Les journées passent lentement mais je finis par me rendre compte que c’est déjà mon cinquième jour ici. Entre randonnée et détente, le temps a su trouver un rythme qui me convient. Je remballe mes affaires une dernière fois et me dirige de nouveau vers Tariat, le petit village au pied du volcan noir. Bingo toujours à mes côtés.

 

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